chez soi

Arthan allait répondre tentant tant bien que mal de se justifier auprès du général car il savait que celui ci avait depuis longtemps mis le doigt sur la question de la raison de sa venue en ces terres. Il fut interrompu dans son élan par la souveraine qui l'avait couvert.

Lorsqu'elle eut finit de parler, il acquiessa lentement, approuvant ce qu'elle venait de dire. Bien entendu elle conaissait une partie de la vérité. Arthan était là pour comprendre pourquoi les troupes de l'ombre s'étaient retirées des frontières, seulement elle ne savait pas réellement pour qui il devait rechercher ces informations, ni même dans quel but. Probablement pensait elle qu'il était un simple espion des plaines. Quoi qu'il en soit, elle l'avait couvert, le croyant sur parole. Il était selon elle digne de confiance. Cela le touchait ennormément. Il se devait de lui dire qui l'avait envoyé. Peut être le moment était il mal choisi ...

Regardant le duc dans les yeux, les sourcils bas, d'une voix ferme mais impassible, il déclara :

" Vous avez raison Monseigneur, je vous dois des explications. Votre reine vous a dit la vérité à mon sujet. Je me suis fait prendre par vos éclaireurs non loin de la frontière entre votre royaume et celui des plaines. A mon réveil je me suis trouvé dans la salle du trone, en compagnie de son altesse. Vous devez surement, et c'est naturel, vous demander ce que je faisais à roder en ces contrées. Je tiens à vous rassurer, même si les apparences sont trommpeuses, je ne suis pas envoyé par le roi des plaines. Sachez seulement que mes intentions sont purement pacifiques et que je veux et peux vous faire éviter d'inutiles affrontements. "

La tension de la reine était palpable, seulement elle n'était pas causée par l'intrigue qui se passait ici. Elle semblait distraite par autre chose. Arthan aussi entendi le léger grognement de l'animal de compagnie de la jeune femme, mais ne s'interrompit pas dans son discours. Il jetta un rapide coup d'oeil sur son hotesse qui fixait une fois encore la lourde porte d'entrée. Il continua donc de fixer le duc de Montfort. Il attendait une quelconque réaction de sa part, sachant que quelque chose d'autre allait bientôt survenir. Quelque chose de si préocuppant que l'insouciante reine était devenue vraissemblablement inquiète. Même si il ne le voyait pas vraiment, il perçut que son fourreau était toujours dans son angle de vision, posé contre la table. Il préférait s'en assurer ne sachant pas ce qui allait advenir.

Fordrev sentait lui aussi la tension grandissante dans la pièce, formée par celle de la reine et de Dark. Arthan percevait lui aussi le malaise causé : la tension de ses traits le trahissait. Satisfait, Fordrev sourit intérieurement. Comme prévu, le duc avait laissé assez d’indices pour que le Conseiller finît par trouver Arthan. Montfort était curieux de savoir de quelle manière Hîrdannen réagirait, lui permettant de le cerner davantage. Néanmoins, Fordrev protégerait la reine de son courroux car ce n’était pas, selon lui, la meilleure attitude à adopter envers elle. Même si le duc de Montfort répugnait à la réprimander et à la voir malheureuse, il devrait en passer par là pour la sérieuse conversation qu’il aurait avec elle.

« Ne vous inquiétez point, j’ai pris les dispositions nécessaire pour recevoir notre invité avec équité », finit-il par dire en réponse à l’angoisse grandissante.

Malgré cela, Arthan avait visiblement joué la carte de la sincérité avec lui, devinant qu’il ne pourrait mentir sans compromettre sa situation et celle du Pays des Plaines. Ironiquement, le jeune chevalier était devenu diplomate contre son gré, et Fordrev savait qu’il n’ignorait pas que ses propres actions pouvaient avoir de graves conséquences, autant pour lui-même que pour le fameux royaume frontalier.

Si l’attitude d’Arthan avait réussi à lui faire gagner une confiance précaire et relative, Fordrev ne relâchait pas son attention. Il planta une nouvelles fois son regard dans celui du jeune homme, avant de déclarer opiniâtrement :

« Vous n’êtes point sans savoir, messire Arthan, que la dernière guerre entre le peuple des Plaines et le Royaume des Ombres a laissé de profondes cicatrices, ancrées dans les relations entretenues avec les deux pays en question. Ainsi, il serait fort téméraire, voire suicidaire, de s’introduire subrepticement en nos terres. »

Le duc marqua un silence, lancer peser la menace avant de reprendre :

« Considérant la véracité de vos paroles, une question nous vient à l’esprit. Si en effet, ainsi que vous le prétendez, vos intentions ou celles du Pays des Plaine demeurent pacifiques, en quoi nos activités vous intéressent-elle ? »

Fordrev savait pertinemment qu’Arthan connaissait la politique d’autosuffisance du Pays des Ombres, et qu’ainsi les possibilités de choix quant à un mensonge le tirant d’affaire étaient extrêmement mince.

Voyons si ce chevalier saura faire preuve d’assez de discernement pour s'en sortir vivant…

Arthan distinquait clairement la position que prenait le général par rapport à lui. Il ne pouvait lui en vouloir, il aurait fait éxactement la même chose à sa place. Cela ne l'étonnait pas le moins du monde, au contraire. Il savait qu'il était en face d'un homme prudent, car général et qui surveillait ses arrières, car naviguant dans les hautes sphères de la société.

" Vous avez parfaitement raison : Je suis suffisement au fait des relations entre votre peuple et le pays que je représente. Je suis d'ailleurs bien placé pour les connaitre. De par le fait, je suis donc également au courant quant aux risques que je prend en venant ici. Et c'est en sachant tout ça que j'ai accepté de venir m'assurer moi même des récents changements relatifs à vos activités frontalières. Ma volonté n'a jamais été de m'introduire subrepticement comme vous le dites, même si ma mission n'incluait pas forcément la diplomatie. Mais évidement, en entrant ici pieds et poings liés, je ne peux passer pour autre chose que pour un malfaiteur, vous en conviendrez. "

Il dit ces derniers mots avec un léger sourire sachant pertinnement que le général étant un homme intelligent, comprendrait l'allusion. Faisant une légère pause, il reprit son attitude impassible et allait poursuivre lorsqu'il entendit une voix forte de l'autre coté de la porte. Il sut alors que c'était la venue de cette personne qu'attendait la reine Ceit avec une certaine apréhension semblait il. Il continua alors, avant que la personne n'entre :

" Croyez donc que, sachant je viens risquer ma vie ici alors que je n'en retrirerait aucun interet, le but de ma visite revet une certaine importance ... "

Arthan ne dit plus mot car la porte s'ouvrit avec fracas une seconde fois. Regardant à nouveau en direction de la porte, le jeune chevalier se disait que ce peuple avait décidément le sens de l'arrivée théatrale ...

Cet étranger était décidément un étonnant personnage. Même si Arthan semblait peser ses mots, même si Fordrev savait reconnaître les tics faciaux caractéristiques des mensonges, il savait également reconnaître la sincérité dans la voix d’un homme. Une voix manifestement ferme. Le duc de Montfort considéra donc encore une fois le chevalier, saisissant le fond de sa remarque et de sa pensée. Arthan était sans contredit un homme doué.

Car une autre explication que celle qu’il avait donné l’aurait complètement discrédité aux yeux du Général. Cependant, quelque chose disait à ce dernier qu’il n’avait pas affaire à un simple espion. Arthan s’exprimait et se comportait de bien meilleure façon que ne le dût un agent ou un chevalier.

Quoi qu’il en soit, Fordrev regrettait à présent de ne pas avoir émis davantage d’objection face à la décision de Ceit de retirer les nombreuses troupes gardant les frontières. Car si la reine considérait cette manœuvre comme partie de cette « incitation à l’ouverture » qu’elle avait décidé d’appliquer, le duc savait que les pays frontaliers verraient la chose d’un tout autre œil. La présence d’Arthan venait de le confirmer.

Néanmoins, Fordrev n’était pas resté inactif durant ces derniers mois. Ses plans concernant les armées du Royaume des Ombres se mettaient en place, il n’attendait plus qu’un signe hostile de la part du Pays des Plaines pour que ses soupçons se confirmassent et qu’il passât à l’action. Selon l’avis de Montfort, Arthan recevait sans doute des ordres de plus haut, et n’était peut-être pas, après tout, au courant des réelles intentions du monarque de son royaume. Malgré tout, le doute n’était plus permis pour Fordrev : le Pays des Plaines récoltaient le plus d’informations possible en vue d’une invasion, profitant de cette période de transition et de relâchement.

Pour l’heure, le Général souhaitait simplement faire comprendre au jeune chevalier que le Royaume des Ombres était toujours aussi puissant, autoritaire et intransigeant que du temps de Balthus.

À moins que…

Un doute horrible s’immisça soudain dans les pensées du duc. Arthan et Ceit seraient-ils… amants ?
Non, c’était impossible… Ou du moins, Fordrev l’espérait-il de tout cœur. Connaissant Ceit, cette dernière ne serait pas tombée amoureuse en quelques instants d’un homme, aussi charmant et beau fût-il… À moins que cette chose appelée « coup de foudre » ne se soit abattue sur la reine des Ombres, pour la plus grande disgrâce du royaume. Ou bien qu'il se soient déjà rencontrés auparavant, sans attirer l’attention des gardes, de la Cour, d’Hîrdannen ou du Général, ce qui lui semblait utopique.

Les lèvres du duc se séparèrent, ce dernier s’apprêtant à répondre à son interlocuteur, lorsque le fracas des doubles portes s’écartant résonna à travers la pièce. Le Conseiller venait de faire irruption dans la salle de dîner.
Fordrev regarda ce dernier avec satisfaction.

« Conseiller Hîrdannen… Vous arrivez à point nommé. »

La fille du défunt général D’marik ne svait pas comment réagir à l’arrivée du Conseiller… Elle s’était silencieusement approchée de Fordrev et resta derrière lui comme si lui pouvait réellement faire quelque chose contre l’arrivée soudaine de se grand personnage de la cours…En fait, elle n’avait pas peur de Hîrdannen… mais le pouvoir que celui-ci exerçait sur la cours du château était beaucoup trop important pour qu’elle se permette de se le mettre encore plus à dos qu’il ne l’était déjà… Elle le toisa alors avec un regard entre la bienveillance et la méfiance, un étrange mélange de deux sentiments qui ne s’agençaient pas du tout…

« Bonsoir Hîrdannen, me voilà heureuse de vous voir ! Mais, dîtes-moi, vous êtes rentré plus tôt… » Dit-elle en prenant son courage à deux mains et en passant devant son Général.

Elle le regarda quelques instants avant de détourner le regard…Pourquoi avait-elle tant de difficulté à le regarder dans les yeux ? Ceux-ci lui étaient trop familiers ! Elle se retint, néanmoins, pour éviter qu’un frisson lui parcourt le corps en entier à l’approche de cet exécrable personnage qui la répugnait presque autant que lavait fait, jadis, Balthus… Elle fit de son mieux pour effacer ses sombres pensées et être plus à l’aise… Elle finit donc par prendre une allure tout à fait confiante et à incliner légèrement la tête devant Hîrdannen. Elle démontra ensuite d,un signe de main très précis et gracieux le chevalier qui se trouvait en leur compagnie

« Je vous présente Arthan, Messire… »

Le ton très impartial qu’avait employé la jeune souveraine était plutôt étrange… elle qui avait toujours été si joviale et chaleureuse avec n’importe qui 1 Mais dès que le conseiller entrait dans la salle et qu’elle sentait que quelque chose allait mal tourner, il en était tout autrement… Elle jeta, subtilement, un regard maussade à son général avant de revenir à la droite de celui-ci et à gentiment joindre les mains.

Connaissant les méthodes du Conseiller, Fordrev vit ce dernier analyser rapidement la situation pour en retirer ses propres déductions. Puis il fondit tel un rapace sur sa proie, cherchant à cerner Arthan le plus impitoyablement possible. Le Général n’avait plus qu’à faire en sorte que le jeune homme restât en vie, car il en savait sans doute bien plus qu’il ne voulait le dire.

Le duc tourna légèrement la tête pour faire face à la reine Ceit. Cette dernière semblait attendre avec anxiété la réaction du Conseiller. Fordrev la regarda de manière à lui faire comprendre qu’il était là pour la tirer d’un mauvais pas au cas où les choses tourneraient mal. Il était évident pour le Général que Ceit avait compris qu’il ne faisait pas le procès de celle-ci, mais bien celui d’Arthan.

Avant que le chevalier ne pût répondre, le Général prit la parole.

« Cet espion des Plaines vient de nous être amené par les éclaireurs présents aux frontières. Arthan était venu faire état des modifications des activités militaires de nos frontières, et après avoir été conduit au château, Son Altesse est venue elle-même lui rappeler qu’aucune intrusion n’était tolérée dans nos terres, et qu’une erreur aussi grossière ne saurait être tolérée deux fois consécutives. »

Fordrev marqua une pause, plantant ses yeux, dont l’un barré d’une menaçante cicatrice, dans ceux d’Arthan.

« Aussi, je le somme de quitter immédiatement ces terres, avant que Son Altesse ne décidât de changer d’avis et de faire preuve de moins de clémence à son égard. »

Le Général éleva soudain la voix : « Gardes ! »

Aussitôt, les portes se rouvrirent une troisième fois, avec encore plus de brusquerie, et les trois hommes armés qui gardaient l’entrée pénétrèrent dans la salle.

« Faites sortir cet homme d’ici. »

Deux gardes acquiescèrent avant de se diriger vers Arthan d'une façon qui laissait supposer qu'ils n'allaient pas prendre des gants pour le raccompagner à l'extérieur.

Voyant les gardes hésiter et interroger le Général du regard, Fordrev hocha la tête, et ils se tinrent raides à l’entrée de la salle.

Le duc sourit intérieurement. Hîrdannen, comme l’avait supposé Fordrev, n’hésitait pas à donner un contrordre, même en présence d’un étranger, risquant de faire apparaître une mésentente entre dirigeants. Peut-être la vision que Fordrev avait du Conseiller n’était-elle pas si erronée… Tant bien que mal, il parvenait petit à petit à cerner ce sombre et mystérieux personnage.

Cependant, au vu de cette attitude suspecte, Arthan allait sans doute subir les foudres du Conseiller. Mais peu importait, à présent que Montfort avait eu ce qu’il voulait. Cela s’appelait, en jargon militaire, des « dommages collatéraux ».

Arthan qui avait une grande sensibilité par rapport au mal et aux personnes mauvaises sentit sa peau se réchauffer. Les soupçons d'Arthan venaient de se confirmer : Cet Hirdannen n'était pas homme à plaisanter Il ne lui ferait aucun cadeau. L'attitude de la reine et du général le démontraient. Un conseiller ? Tout ceci devenait clair désormais. C'était le conseiller de feu Balthus ! Probablement aussi sanguinaire et cruel que son défunt roi, si celui ci était tant crait par la reine c'était probablement à cause de ses similitudes avec Balthus. Probablement que le conseiller devait être très contrarié de la mort du roi, surtout connaissant la politique adoptée par la nouvelle reine.

Il lui demandait de se présenter ... Arthan allait ouvrir la bouche mais il vit le regard de Fordrev. Sa réaction était pour le moins innattendue. Arthan pensait que son honetteté avait payé et qu'il s'était attiré un semblant de confiance de la part du duc de Montfort. Il essaya de lire dans le regard de Fordrev mais il n'y vit rien qui puisse trahir une quelconque supercherie. Cependant son comportement venait de changer et Arthan en conclut qu'il feintait quelque chose. Qu'essayait t'il de faire ? Etait t'il lui aussi terrifié par le sombre homme qu'il ait décidé d'éloigner Arthan des foudres du conseiller ? Cet Hirdannen était t'il si influent que ça pour être craint de la reine et de son général ?

Quoi qu'il en soit il ressentait des énnergies noires émannant de ce nouvel arrivant. Son maléfique carractère était si fort, qu'il en devenait presque palpable pour le chevalier. Ce dernier décida de montrer à son tour une preuve de confiance au général. Il joua son jeu qui semblait cependant risqué. Il s'avança d'un pas vers les gardes qui venaient d'entrer, prêt à se faire "reconduire" hors de la pièce ... A vrai dire, il se sentait presque soulagé de quitter cet homme qui le toisait de son regard glacial. Mais ce dernier en avait apparement décidé tout autrement. Arthan devait t'il dire la vérité comme à son habitude, ou bien appuyer la déclaration de Fordrev qui, apparement, "'lavait" la reine de toute faute dans son comportement vis à vis des étrangers. Continuant à jouer le jeu afin de dissipper les doutes que le conseiller pouvait avoir à l'encontre de Ceit, il se tourna vers le Hirdannen et dit :

" Le général à dit vrai. A ceci près que je deteste le terme "espion". Je préfère largement être appellé "agent de renseignement indépendant" car je ne travaille pas pour un Etat en particulier. Je ne suis pas non plus là pour faire état des forces militaires en votre possession mais pour connaitre vos intentions. De nombreux états frontaliers s'inquiètent de ces mouvements de troupes. La plupart pensent que ceci est un regrouppement de l'armée en vue d'une attaque massive. La guerre n'est nullement enviable, pour eux comme pour vous. Je suis seulement ici pour démentir leurs doutes et j'espère pouvoir sauver un grand nombre de vies en faisant cela. Mais apparemment votre reine reste plus que méfiante à mon encontre. Quoi qu'il en soit, vous devez probablement vous douter que ma disparition engendrerait sans fautes, de lourdes complications. "

Arthan pensait avoir réagit de la bonne façon. Il venait de faire oublier sa provenance, ainsi aucunes représailles ne pourraient être lancées, il disculpait la reine et il s'octroyait une sortie par la grande porte. Le tout en rapellant que la guerre n'était dans l'interet de personne. Il n'avait proféré qu'un seul mensonge, lorsqu'il parlait de la reine. Mais si Hirdannen était un homme intelligent, il savait certainement depuis bien longtemps que ceci n'était pas vrai, surtout s'il connaissait si bien la reine. Il savait qu'il se trouvait en terrain glissant depuis longtemps, mais l'arrivée du noir conseiller venait d'accélérer considérablement les choses. Le moindre faux pas lui serait fatal, mais pourrait également provoquer une guerre d'ampleur colossale. Il espérait seulement qu'Hornéus fut libéré et qu'il puisse transmettre ses renseignements a roi des plaines. Chaque jour qui passait sans nouvelles que l'ex général puisse donner des preuves du pacifisme du royaume de l'ombre, laissait au royaume des plaines le temps de préparer une contre-attaque à cette invasion hypothétique.

Il regarda rapidement une dernière fois le général puis la reine, tentant de déterminer leur réactions respectives. Il n'était pas certain d'avoir agit de la meilleure manière qui soit. Il vit tout d'abbord une certaine confiance de la part du général puis une lueur de culpablité dans les yeux de la reine. Il se retourna alors du coté du conseiller attendant une quelconque réaction.

Visiblement, la situation tournait au vinaigre pour Arthan. Le Général pensait qu’Hîrdannen aurait pris en compte les avertissements de dernier, et n’avait pas prévu cette violente réaction. Il pensait qu’il allait tout au plus le faire sortir avec quelques séquelles. Car Arthan avait indéniablement raison : s’il disparaissait, personne ne croirait à une mort fortuite de la part des dirigeants de l’Ombres. Or le jeune chevalier n’aurait jamais osé une intrusion dans le Royaume des Ombres sans avoir prévenu les dirigeants du Pays des Plaines.

L’étreinte de la reine se resserrait autour du bras du duc, de sorte que son anxiété était palpable. Elle aussi avait sans doute vu l’étincelle de démence et de sadisme luire dans les pupilles dilatées du Conseiller. Si Hîrdannen tuait le chevalier, les plans de Fordrev seraient ruinés… Il lui fallait plus de temps pour mettre en place tous les dispositifs stratégiques et militaires avant d’organiser une contre invasion et manifester une attitude hostile envers le Pays des Plaines. Si Arthan disparaissait, le monarque des Plaines, n’ayant plus de nouvelles ni de renseignements, en déduirait que le Royaume des Ombres était au courant de leur projet d’invasion.

Voilà précisément de quoi Fordrev et Ceit devaient parler ce soir même à leur rendez-vous. Seulement, l'entrentien n'ayant pas eu lieu, nul autre que le duc de Montfort n’était au courant de cette prochaine invasion que le Pays des Plaines allait lancer contre eux. Si la présence de l’espion venait de confirmer définitivement cette prévision, il fallait agir subtilement pour prendre l’avantage.

Montfort tendit son esprit à travers la pièce et lança un message mental que toute personne douée de talents magiques, dans un rayon de quelques mètres, pouvait entendre raisonner dans ses pensées. Ainsi, le message suivant se répercuta dans l’esprit de Ceit et du Conseiller :

< Conseiller, je détiens des informations capitales concernant les agissements du Pays des Plaines, et la suppression de cet espion compromettrait notre sécurité ainsi que l'avantage que nous pouvons obtenir sur eux. Nous aurons notre vengeance en temps voulu, mais pour l’heure, il nous faut le laisser partir, bien que le désir de le démembrer me soit difficilement répressible. >

Fordrev tourna ensuite la tête et planta son regard dans celui de Ceit. Il pouvait y lire de l’appréhension en ce qu’il allait advenir, mais elle était digne et forte. Car dans le cas contraire, il aurait été impossible à Ceit d’asseoir son autorité sur le royaume comme elle le faisait. Le Général espérait que celle-ci appuierait sa décision, car elle devait savoir qu’il avait toujours agi pour le bien du royaume. Elle avait toutes les cartes en main pour trancher une décision. Car après tout, n’était-elle pas la reine, possédant une autorité presque totale sur chacun de ses sujets ?

Le duc reporta finalement son attention sur Arthan, le fixant de son regard sombre. Il ne restait plus qu’à ce que le chevalier garde son sang froid, même si ce dernier avait démontré à de nombreuses reprises que sa délicate position lui conférait, dans le même temps, une relative immunité.

Les menaces du conseiller, son incrédulité, ses allusions sordides ... Tout ceci fit légèrement sourire Arthan qui connaissait les tenants et les aboutissants de cette histoire. Cet homme aussi présomptueux que cruel doutait des dires du chevalier, sans se douter une seule seconde des innocents qui pourraient perdre la vie dans ce conflit. Ou bien peut être n'était-ce pas son problème. Arthan fut empli d'une envie presque irrépréssible de lui faire ravaler ses paroles. Pour qui se prenait-il ? Après tout, il n'était qu'un simple sous-fiffre de la reine. Certes, ceci était vrai dans l'absolu, mais dans les faits il en était autrement. Celui ci ne faisait pas part de son opinion belliqueuse, il l'imposait. Il devait probablement bien connaitre la reine et donc, avoir les moyens de lui imposer ses décisions. Arthan pris une inspiration, retenant ses paroles qui auraient put être assassines. Il pensait surtout aux vies qu'il épargnerait grace à cet acte.

La reine venait de prendre une décision. Il ne savait pas réellement ce qui l'avait poussée à prendre cette décision. Il savait seulement qu'elle ne devait pas être vraiment à son aise. Il décida alors de prendre la parole et d'essayer au moins de faire douter l'homme implacable qui se tenait en face de lui, qui semblait sur des mauvaises intentions d'Arthan. S'adressant aux trois personnes qu'il avait devant lui, mais tout particulièrement au conseiller, il dit :

" Je ne tiens pas à vous mettre sur la défensive avec des menaces de guerre. Seulement il faut que vous sachiez que vos actions, comme celles de tous les autres royaumes, sont connues partout dans le monde. Vos récents mouvements de troupes aux frontières de ce royaume sont venues aux oreilles de nombre de rois et de chefs de clans. La plupart ont peur que ces déplacements soient les prémices d'une invasion. "

Il fit une légère pause, amer, sachant qu'il était obligé d'y venir :

" Pour ma part, je suis à la fois originaire des plaines et de l'eau. Mais je ne sers aucun royaume en particulier car j'ai été banni de mon royaume natal. Je connais simplement des gens influents dans certains royaumes que je tiens à taire. Ces gens m'ont fait part des inquiétudes de leurs royaumes et me font entièrement confiance. Ils peuvent, sur ma simple parole, faire avancer leurs troupes à vos frontières. Bien sur, je ne tiens surtout pas à ce que ceci se produise. Eux non-plus, et j'ose penser que c'est aussi votre cas, sachant surtout qu'il n'y a pas qu'un seul pays concerné.

Libre à vous de me "faire visiter" ce qu'il vous chantera. La seule chose qui compte c'est que je puisse rédiger mon rapport avant qu'il ne soit trop tard, car malgrè les dires et les légendes, il n'y a pas en ces terres seulement des fourbes qui méritent la mort. "

Il fit volontairement une pause, sachant que son allusion serait comprise de tous.

" Il y a aussi de nombreuses personnes qui mérittent de vivre ... "


La aussi, il savait que cette remarque serait comprise par qui de droit. Arthan se disait que l'honnêteté ne payait pas toujours. Ni même la malhonetteté. Seule la langue de bois payait. Dire aux gense ce qu'ils voulaient entendre. Malgrè tout, il avait tenté de parler le plus ouvertement possible. Il se trouvait toujours autant sur le fil et ne savait ce qu'il adviendrait de son sort, ni des relations entre les royaumes. Il croisa tour à tour les regards d'Hirdannen, Ceit et Fordrev.

" Je vous prie de bien vouloir croire en ma bonne foi. Maintenant, faites de moi ce qu'il vous plaira. A vous de voir si vous désirez suivre ... "

... La voie de Balthus. Il venait, interieurement, de mettre le doigt sur quelque chose de risqué. Ses méthodes étaient pour le moins discuttables, mais il se trouvait ici dans son royaume. Même si Ceit le détestait, il risquait de la faire se mettre en porte à faux avec les deux hommes. Il s'interrompit net. Espérant que la reine en déduirait elle même la suite. Ni les geoles, ni les tortures, ni la mort ne faisaient peur à Arthan. La solitude, il n'avait rien connu d'autre, la douleur, c'était son lot quotidien, la mort, rien d'autre ne pouvait le rendre plus libre. Ce qui lui faisait réellement peur, c'était que par sa faute, son imprudence, des milliers d'innocents perdent la vie, et qu'une reine, pourtant bienveillante, soit poussée par d'odieux stratagèmes qui lui étaient inconnus, à choisir entre sa place et la guerre. Il se sentait anxieu pour la première fois durant la conversation.

Arthan venait de dévoiler tout son "odieu" complot qui consistait à éviter un conflit armé, et cet homme parlait de représailles ? Il menaçait également le pays aquatique désormais ? Arthan esquissa un simple sourire à l'entente de ces mots mais il bouillait à l'interieur de tout son être, une envie à la limite de l'incontrolable. Envie qui grandissait de seconde en seconde. Cet homme en face de lui. Si arrogant, si sur de lui, si présomptueux ! Il lui tardait de lui prouver qu'il n'était fait que de chairs et de sang. Mais il ne le devait pas. Derrière son apparente aise, il essayait de controler ses passions. Que n'aurait t'il pas donné pour ne pas avoir tant de responsabilités sur les épaules. Pour que ses actes n'engendrent pas d'aussi graves conséquences. Serrant ses poings qui ne demandaient qu'à se rendre utiles, il plongea son regard profond dans les yeux d'Hirdannen. Leur immense froideur ne fit que grandir l'envie qui brulait le chevalier. Plissant les yeux, inclinant légèrement la tête vers l'avant, il allait ouvrir la bouche, mais il ravisa ses paroles qui aurait pu fuser telles des traits enflammés. Les seuls mots qu'il pronnonça furent :

" Veuillez m'excuser, monseigneur Hirdannen. "


Il marqua une légère pause laissant planer le doute quand à ce qu'il allait dire.

" J'ai cru, une seconde durant, que vous étiez simplement conseiller de la reine, mais de toute évidence je me trompais lourdement. "

Malgrè ses efforts pour parler le moins hostilement possible, les paroles dépassèrent la volonté d'Arthan. Ces phrases avaient des allures de défi dans la bouche du chevalier. Il s'en voulut quelque peu, mais il se rendit bien vite compte qu'il était trop tard.

Les évènements prenaient une tournure d’une ampleur insoupçonnée. L’arrestation d’un intrus avait mis le feu aux poudres d’un problème qui prenait son origine autre part. Dans cette pièce se décidait sans doute la décision d’un conflit à une échelle immense. Car un nouvel élément venait d’être présenté à Fordrev : le Pays Aquatique serait lui aussi impliqué dans cette affaire.

« Je vous prie de bien vouloir croire en ma bonne foi. Maintenant, faites de moi ce qu'il vous plaira. A vous de voir si vous désirez suivre... »

… De suivre quoi ? Qui ?

Pour la première fois depuis de longues années, Fordrev était complètement décontenancé par les dires d’Arthan et par la situation dans laquelle il se trouvait. Tous les plans qu’il avait élaboré en vue d’une contre invasion se désagrégeaient devant lui, il n’était plus sûr de rien. Car Fordrev savait évaluer l’honnêteté d’un homme, et le jeune chevalier avait joué franc jeu avec eux, même devant la présence menaçante et pesante d’Hîrdannen.
Que devait-il faire ? Les fondations de tous ses projets s’effondraient, tout était remis en question, et il gardait un silence impassible pendant que le Conseiller et Arthan échangeaient des propos vindicatifs.

Tout semblait prendre racine dans ce déplacement des troupes aux frontières. Tous les royaumes frontaliers se seraient-ils alertés pour si peu ? A moins que… La main de fer de Balthus aurait-elle été si impitoyable que les pays environnants s’inquiètassent du moindre mouvement militaire à l’intérieur même du Pays des Ombres ? Cette idée était sécurisante, mais impliquait à la fois de lourdes responsabilités. Si le règne d’invincible ordre et d’autorité de Balthus faisait craindre aux pays frontaliers le moindre agissement du Royaume des Ombres, il fallait redoubler de prudence pour ne pas engendrer des conflits inutiles.

En d’autres termes, tout reposait sur les bras de la reine. Elle s’était mise au premier plan depuis sa prise de pouvoir, agissant ouvertement sur une politique d’intérieur où elle était appréciée par ses qualités diplomatiques et humaines. Le Général n’avait pas alors évalué, jusqu’à cet instant précis, comment de tels changements avaient été interprétés par les royaumes voisins. Sa décision concernant le retrait des troupes aux frontières n’avait pas été pris en compte comme « politique d’ouverture ». Ceit en avait-elle conscience ? Ou ses projets s’étendaient-ils dans une plus grande mesure ?

Puis le regard du duc de Montfort croisa celui du Conseiller. Il n’avait besoin de parler pour faire transmettre ses pensées. Hîrdannen souhaitait qu’Arthan soit éliminé sur-le-champ. Or, il avait indubitablement raison sur un point : il demeurait toujours un risque. Il en demeurerait toujours un. Seulement, si ce rapport dont parlait le jeune chevalier n’était pas remis à ces personne haut placées, l’étincelle enflammerait la poudrière et il n’y aurait plus aucun moyen de contenir l’explosion qui s’ensuivrait. Si le rapport était remis, et dans le cas où les pays lanceraient tout de même une offensive, le Royaume des Ombres disposerait de plus de temps pour mettre en place ses forces militaires.

Fordrev avait fait germer une idée palliant à ce problème. Il fixa le Conseiller, et effectua un imperceptible hochement de tête. Hîrdannen semblait lui faire confiance, et si ses agissements allaient dans le sens du Royaume des Ombres, il bénéficiait de la sienne. Le Conseiller était un homme subtil, il retrouverait à coup sûr le raisonnement du duc. En effet, le Général porta ensuite son regard sur Arthan. Se concentrant sur celui-ci, il récita mentalement les formules maléfiques qui allaient lui permettre de concrétiser ses intentions. Fordrev effectua ensuite un geste imperceptible de la main droite, et il lança la Malédiction Infernale sur le jeune chevalier.

C’était une précaution qu’il se devait de prendre, malgré toute la bonne foi dont il avait fait preuve. Il ne pouvait permettre de faire encourir des risques au Royaume des Ombres, mais ne comptait évidemment pas se servir de cette magie qu'il venait de lancer si Arthan était sincère sur ses intentions. Attirant l'attention de celui-ci, il prit enfin la parole, d'un ton plus sec qu'il ne l'aurait souhaité :

« Comme il en a toujours été, le Royaume des Ombres ne prendra une position vindicative tant que les pays frontaliers en feront autant. Néanmoins, dans le cas où une action belliqueuse serait portée contre nous, je suppose que vous n'ignorez pas que notre réplique serait implacable et dépourvue de toute pitié. »

Montfort venait simplement d'exprimer ce sur quoi les dirigeants s'accordaient. En effet, constant que la suite des échanges entre Arthan et le Conseiller ne feraient qu'attiser une belligérance stérile entre les deux hommes, il se retourna vers les deux gardes qui étaient restés immobiles à l'entrée.

« N’avez-vous donc pas entendu les ordres de Sa Majesté ? Faites-le sortir. »

Tandis que les gardes s’avançaient une nouvelle fois vers le noble chevalier, Fordrev posa son regard sur ce dernier. C'était un presque miracle qu'il se soit sorti d'une situation aussi délicate...

Tendis qu'il parlait avec le conseiller, il sentit comme de l'energie sortir de lui. Ce n'était pas la première fois qu'Arthan avait été victime d'un sort, même si ce n'était pas tous les jours que ça lui arrivait, mais il n'avait jamais oublié cette sensation et d'ailleurs, comment l'oublier ? Cela lui était arrivé à deux rerpises seulement. Les deux fois, il luttait contre des pillards étrangers qui sévissaient en bandes organisées dans les campagnes. Aucun doute, sa résistance magique était à l'oeuvre. Il n'hésita pas une seconde quand à l'origine du sort qui lui était jetté : Hirdannen. Cet homme était il si lache qu'il ne voulait pas même que l'on sache qu'il s'était sali les mains ? Quoi qu'il en soit, il était un arcaniste doué. Arthan n'avait remarqué ni l'incantation, ni la composante gestuelle du sort ...

Arthan detourna son regard défiant des yeux sombres et froids du conseiller et chercha celui de la reine à qui il adressa un tout autre regard. Un regard qui semblait piteux et désolé. Un regard qui signifiait excsuez moi. Il l'avait mise dans une situation pour le moins épineuse et s'en voulait plus que tout. Mais le mal était fait. A lui de tenter de limiter les conséquences. Espérant qu'il ne serait pas gêné par des perturbateurs dans cette tentative.

Toujours détournant à peine son regard de celui la reine, il répondit au général Fordrev :

" Comme il en a toujours été ? "

Cette affirmation était pour le moins douteuse, connaissant l'histoire du royaume, principalement durant le règne de Balthus. Cependant Arthhan ne s'en formalisa pas :

" Je ne doute pas une seule seconde que votre réponse à une action belliqueuse serait redoutable, et ce serait tout à fait légitime. Je suis justement ici pour éviter la dite action belliqueuse. Et croyez moi, j'emploierai tous les moyens à ma portée pour ce faire. "

Il regarda une dernière fois la reine, la salua dignement puis se tourna vers les gardes et fit un pas à leur rencontre sachant qu'il allait vivement se faire éconduire.

C’en était presque trop pour Fordrev. Il était allé jusqu’à mentir pour laver la reine de toutes ses fautes devant le Conseiller, et voilà qu’elle se perdait en délicatesses d’une indescriptible futilité avec cet intrus ? Avait-elle réellement conscience de ses actes pour rejeter ainsi à la figure du Général toute l’aide qu’il essayait de lui apporter ?

Il fallaient qu’ils aient une discussion le plus vite possible. Mais pas une séance de réprimandes et de reproches, loin de là… Une conversation sérieuse et constructives où chacun pourrait tirer les choses au clair, pour le Pays des Ombres.

Alors qu’Arthan se faisait emmener, une violente douleur le saisit au crâne, le faisant chanceler. Comme s’il subissait une attaque mentale, sa vue se brouillait, et il perdait sa perception. Malgré les barrières mentales qu’il tentait de dresser, rien ne semblait pouvoir y faire. La douleur le martelait, sans qu’il puisse la bloquer, ni savoir d’où elle provenait.

Titubant, il s’appuya contre la table où Arthan et Ceit avaient mangés. Puis il lui sembla être transporté ailleurs, comme aspiré par un trou noir. Une aveuglante lumière l’éblouit, tel un flash, et il se retrouva au milieu d’un champ de bataille.

Les combats faisaient rage autour de lui. C’était visiblement deux armées d’une taille colossale qui s’affrontaient. La première, clairement identifiable, était celle du Royaume des Ombres, arborant l’armure sombre caractéristique du pays. De l’autre côté du front, les soldats du Pays des Plaines leur faisaient face.

Que faisait le duc en ces lieux ? Il ne saurait lui dire. Etait-ce le passé, le futur ? Il ne le savait. Un homme des Plaines le traversa soudain de part en part, et Fordrev eut un mouvement de recul. Ce dernier semblait revêtir une forme onirique. Il essaya d’interpeller un officier qui se ruait dans la mêlée, mais il ne l’entendit pas. Quel était donc ce maléfice ?

Soudain, quelque chose attira l’attention du Général, et il se retourna, comme alerté par des sens magiques. Ce qu’il vit le laissa pétrifié. En effet, un régiment qui n’était autre que celui de l’état-major de l’Ombre avançait dans le tumulte et le vacarme des combats. A sa tête se trouvait D’marik Mcneil, le père de Ceit, revêtant les apparats de Général. A sa droite se trouvait Adreghal de Montfort, le père de Fordrev.

Il n’y avait plus de doute possible. Il était en train de revivre la bataille qui opposa les Ombres aux Plaines il y a 23 ans exactement. Mais comment était-ce possible ? Qui lui forçait à contempler le passé ?
Puis, contre toute attente, il vit un régiment des Plaines effectuer une violente percée de par l’arrière du front de l’armée des Ombres. Fordrev s’horrifia : il savait très bien comment les choses avaient fini lors de cette campagne. Par une excellente manœuvre stratégique du Général des Plaines de l’époque, Draven le Juste.

Fordrev voulut crier pour prévenir D’marik et son père, mais c’était vain. Personne ne pouvait l’entendre. Et il vit le régiment des Plaines charger celui des Ombres avec fracas.

« Non ! » Même s’il savait qu’il était impuissant, Montfort ne parvint à étouffer une exclamation lorsqu’il vit les hommes à l’arrière du régiment se faire mutiler par les lames ennemies. Il vit une lame d’une qualité exceptionnelle s’enfoncer dans la poitrine d'Adreghal, empêchant le Général D’marik de recevoir un coup mortel. Et Fordrev vit alors le visage du meurtrier de son père, qu'il grava dans ses pensées. Draven.

Avant qu’il ne puisse en voir davantage, il fut une nouvelle fois ébloui et rejeté à la réalité, où il n’avait pas bougé d’un centimètre, mais où il était simplement resté, les yeux vitreux. L’étau qui semblait lui broyer le crâne avait disparu, il ne restait plus qu’une sensation de malaise intense. Après quelques secondes, autre chose attira son attention. Il sentait sa chevalière brûler en dessous de son gant noir, à sa main gauche. Il pouvait presque voir un éclat rougeoyant à travers le velours.

Le Général se redressa alors, regardant alternativement Ceit et le Conseiller qui l’observaient avec des expressions incrédules. Puis il se retourna vivement, furieux, vers la porte d’entrée, où il pouvait encore voir les silhouettes d’Arthan et des deux gardes au fond du corridor. Etait-ce lui le responsable ? Comptait-il le déstabiliser en lui montrant la mort de son père ? Ou bien était-ce tout autre chose ? Car il était évident que ni la reine, ni Hîrdannen n’étaient responsables de ce qu’il venait de voir. Il aurait senti les manifestations magiques.

Fordrev reprit alors une expression impassible, puis s’éclaira la gorge.

« Ceit, je pense qu’il serait préférable de déplacer notre entrevue demain, au plus tôt. Veuillez m’excuser. »

Il s’inclina respectueusement devant la reine et Hîrdannen, avant de s’engager d’un pas décidé dans le corridor.

Marchant le plus rapidement qu’il le pouvait, Fordrev avait entièrement traversé le corridor. Il contourna donc la rampe donnant au somptueux escalier et longea les murs de pierre pour finalement arriver en faces des larges fenêtres ornant la façade avant du château. S’adossant contre la pierre, le souffle court, il chercha frénétiquement des yeux la trace du chevalier et des deux gardes. Il les vit alors, gravissant le perron de la forteresse. Les hommes d’arme avaient jeté Arthan dehors, et ce dernier avait engagé un pas rapide pour partir d’ici.

Et lorsque le jeune homme se retourna pour faire face une dernière fois aux sombres murs de la citadelle, le Général se pétrifia une nouvelles fois. Le temps semblait s’arrêter une nouvelle fois, et même à la distance où il se trouvait, il lui semblait voir le même visage qu’il avait vu dans ses visions. Le visage de l’assassin de son père, Draven.

Une foule de questions se bouscula dans l’esprit de Montfort. Comment était-ce possible ? Qui était réellement Arthan ? Se pouvait-il que… Non, cela ne se pouvait… Il devait forcément y avoir une autre explication. Déterminé, Fordrev se retourna alors vivement, et dévala les escaliers, franchissant le grand hall d’entrée avant de pousser les deux lourdes portes. Arrivé dehors, il regarda précautionneusement de tous côtés. Mais Arthan semblait s’être volatilisé.

Le Général fit quelques pas en avant, décontenancé, ne prenant garde aux regards surpris qui se tournaient vers lui. Le chevalier s’était définitivement éclipsé. Et avec lui, toute chance de tirer au clair cette affaire. Fordrev ferma les yeux, tentant de localiser mentalement Arthan à l’aide de la malédiction qu’il lui avait lancé. Etrangement, il ne trouva rien. Tentant de se concentrer davantage, il ne parvint qu’à accentuer les pulsions du sang martelant ses tempes.

Un des sergents qui avait raccompagné l’homme des Plaines s’avança alors, intrigué, vers le noble.

« Euh… Monsieur le Duc ? Vous allez bien ? »

C’était malheureusement le genre de questions que Fordrev exécrait. Se retournant brutalement vers l’impudent, il prononça ces mots avec une incroyable acerbité :

« Sauriez-vous reconnaître cet homme que je vous ai ordonné de sortir ? »

« Eh bien… Euh, oui, mon Général, je le pense… » répondit le garde, décontenancé par une telle réaction.

« Alors retrouvez-le moi. Déployez la cavalerie autour de la cité, usez des moyens que vous voudrez, mais retrouvez-le moi. Je le veux vivant. »

Le duc avait fait peser ces derniers mots telle une menace. En effet, un cadavre ne lui serait d’aucune utilité pour les réponses qu’il souhaitait obtenir. Arthan ne pouvait être allé très loin.